Bukit Lawang - Au coeur de la forêt pluviale de Sumatra
11 déc. 2016Salut à tous, aujourd’hui je vous emmène au cœur de la forêt pluviale de Sumatra, une expérience qui restera gravée dans ma mémoire, au cœur d’un des plus importants écosystèmes mondiaux.
Arrivé de Jakarta lundi, je débarque à Medan, la capitale de la province de Aceh au nord de Sumatra. J’y passe une nuit, le temps d’apprécier le chant du muezzin à deux pas de ma chambre. Je passe voir mes potes Cyril et Camille, les deux français rencontrés au Bromo, à Yogyakarta, et à Bandung, dont je vous ai parlé lors des postes précédents. Ils sont à l’hôpital, pour cause de dengue hémorragique carabinée contractée à Java. Je prends ensuite la route, la ville me fatigue, et Médan est poussiéreuse, bruyante et engorgée.
Quatre heures de bus rustique, négociées d’arrachepied, à travers des kilomètres de plantations d’huile de palme et je me voilà a Bukit Lawang, aux portes du Leuser National Park, un million d’hectares de forêt tropicale à priori préservée.
Je loge au Rain Forest hostel, un charmant complexe en bord de rivière, la chambre est vraiment bon marché, la nourriture excellente, je m’y sens bien et je pense y rester quelques jours.
Les macaques font partis du décor, ils sont là, tout autour de l’auberge, et me réveille le matin en courant sur les toits, j’adore ça, ces animaux si peu communs sous nos latitudes sont ici monnaie courante.
Je rêve de m’enfoncer dans la jungle de Sumatra depuis longtemps, et de voir les grands singes de mes propres yeux, je demande à l’accueil si je peux me joindre à un trek, ça tombe bien, un trek de quatre jour est organisé ce matin même. Dans la nuit j'apprends qu’un séisme vient de faire 100 morts à Banda Aceh, au nord de l'île, je n'ai rien senti.
Le Leuser National Parc est un parc national qui comprends un nombre importants d’espèces mythiques. Tigre de Sumatra, Eléphant, Léopard, Primates de toutes sortes, dont le mythique Orang Outan. En tout ce sont 175 mammifères, 320 oiseaux, 200 reptiles et amphibiens et plus de 10000 espèces de plantes qui peuplent cet écosystème unique au monde.
Je me greffe donc à l’aventure en compagnie de Dennis, le suisse, Johan, le suédois, Jonas, le canadien et Marvin, l’allemand. Nous sommes cinq jeunes hommes entre 18 et 31 ans, de 5 pays différents, le genre de configuration que j’adore, propice aux échanges.
Nous démarrons en compagnie de deux guides locaux, direction la jungle. Nos premières rencontres se font en compagnie des "Thomas Leaf" Monkeys, singes de moyennes tailles gambadant et sautant de branches en branches au milieu des arbres à caoutchouc, ils sont déjà adorables.
Nous payons l’entrée du parc, et nous enfonçons dans la forêt. Le paysage ressemble à celui de Calédonie, de grandes fougères, des lianes. Nous croisons au loin un gibbon, furtif.
Nous continuons dans la jungle, d’un coup, le guide s’arrête, nous demande de faire demi-tour, je ne comprends pas, et puis je la vois.
Mina, la femelle orang outang, reine du parc, son bébé sous le bras, arrive devant nous, sur le même chemin, sur ses deux jambes. Une image de fou, elle est grande et puissante, impressionnante, et très humaine.
Nous reculons de quelques pas, elle monte dans un arbre et demande à manger, elle est particulièrement habituée aux humains. Arrachée à de riches propriétaire, elle a été remis à la liberté, elle a 35 ans.
Après un moment en sa compagnie, nous la laissons tranquille et continuons la route, et arrivons au premier camp. Une nuit au coin du feu, magnifique, au son des grillons, au bord de la rivière, nous mangeons comme des rois. Les guides font chauffer le wok, curry, poulet frits, chili, on n’a pas l’impression d’être dans la jungle. Je dors 10h dans mon hamac, comme un bébé.
L'enregistrement essaye de retransmettre l'ambiance de la jungle et tous les sons qui ont peuplés ces 4 jours de marches, depuis le pas des hommes dans les feuilles, aux chants au coin du feu en passant par le bruit des cigales dans la nuit.
Deuxième jour, une succession de montées et de descentes, assez dures, ça fait la caisse, nous entendons les gibbons noirs, nous les apercevons furtivement. Toujours difficile pour moi de capter des sons, les singes font du bruit à notre arrivée. Le temps de sortir le matériel, ils sont soit partis, soit silencieux... frustrants. Mais il faut composer avec. Je parviens néanmoins à enregistrer le cri lointain de ces animaux.
Plus nous progressons dans la jungle, plus les arbres se font imposants, certains sont énormes ! Je pense qu’ils atteignent les 80 mètres de haut. On nous parle de serpents, ça reste dans la tête, mais pas le temps d’y penser.
Nous arrivons au campement, autre buffet, autre sommeil royal, au sein du bruit l’eau qui coule, et des chants des cigales.
C’est un matin un peu spécial qui s’ouvre à nous, un petit déjeuner au bord de l’eau, dix heures de sommeil dans les pattes, en forme. Et d’un coup, un œil vers le haut, un orang outang sauvage, magnifique, son enfant dans les mains, nous observe, du haut de son arbre. Nous sommes séchés sur place, il a l’air si humain.
Je m’approche d’elle. Les males ne sont jamais visibles, ils ne s’occupent pas de leurs progénitures. Elle sent qu’elle est en danger, je suppose, et descend de son arbre en dix secondes, au son de ses cris, vers moi. Elle me fout une frousse bleue. Je décolle de mon emplacement et pars me carapater avec mes compagnons. Je ne suis pas dans mon élément. Elle, si.
Nous restons 2 heures en sa compagnie. Avant le départ je pars prendre une douche dans la cascade. Je glisse sur un rocher et me prends une vautre monumentale. Ça me sonne, j’ai le pied qui me fait mal. Pas idéal pour redémarrer une journée de randonnée.
La journée qui suit est un mélange entre émerveillement et douleur, je tente de garder le sourire, mais ça pique. Une soupe au sommet nous fait faire une pause, la vue est magnifique, nous voyons cette forêt impressionnante, et au loin les usines d’huile de palme. La pression du modernisme n’est pas loin.
Nous entamons une descente à pique monumentale, dans la boue, les lianes et les branches, la gueule dans la nature, j’adore ça. Mon pied me fait souffrir, mais je sers les dents, Marvin se propose de prendre mon sac à dos, je ne dis pas non, et continue ma descente… 2 heures après, nous arrivons enfin au bord de la rivière. Celle qui nous mènera à bon port, elle est grosse, pleine et claire.
Le lendemain, après une partie de jeu de carte et de baignade, le tout observé par tout pleins de singes dissimulés dans les arbres en amont et après avoir engloutis un nombre de fruits incalculables, nous descendons la rivière. Les guides attachent 6 chambres à air de camion entre elles, nous mettons tout le matériel dans les sacs plastiques, amarrons le tout, et descendons.
Un toboggan aquatique naturel, au sein de la jungle, un souvenir de malade. C’est exaltant, enivrant, et sacrément génial. Les macaques courent sur les bords de la rive, nous sommes entourés de deux murs végétaux sans fin.
Une heure de navigation et nous arrivons au village. C’est la fin. Une bintang, un moment entre nous, et la soirée se termine. Je rédige ses mots dans le Rain Forest hotel.
C’était quatre jours fous, loin de tout, au cœur d’un magnifique environnement, j'y serai bien resté 2 semaines, je reviendrais.
Après tous ces jolis moments, passons aux choses qui fâchent.
Sumatra a rasé 50% de sa forêt en 50 ans, lorsque les gens de Banda Aceh ont fui la côte suite au tsunami de 2004 ils se sont installés dans la forêt en en rasant plus de 10000 hectares. L’Indonésie est le premier producteur mondial d'huile de palme et c'est à Sumatra et Bornéo que l'impact de cette exploitation intensive se fait ressentir. Le gouvernement Indonésien est très corrompu, et a été séduit par l'appel des grands noms de l'industrie qu,à grand coup de pots de vins, à obtenus un nombre impressionnant de permis de défricher.
Le déboisement de la forêt pluviale entraine la mort de nombreuses espèces, et on estime à 1000 par an le nombres d'orangs outans décédant directement de la perte de leur habitat. Le braconnage pour la revente de l'espèce à des fins de loisirs fait également énormément de dégâts au sein des populations des grands singes.
Ils étaient estimés à 20000 il y'a 20 ans, 6000 aujourd'hui. A ce rythme-là, ils estiment que dans 10 ans, l'ensemble de l'espèce aura disparue.
Toutes les espèces que j'ai vu dans le parc sont très menacés, et ceci directement par notre comportement de consommateur, car l'huile de palme est le grand responsable de ce désastre écologique (. Nous avons donc tous un rôle à jouer, quitte à payer plus cher.
J'invite tout le monde à devenir des consomm-acteurs, en évitant au maximum l'huile de palme dans les produits qu'on achète, ça parait futile comme ça, mais j'ai passé 1 semaine en compagnie de gens qui se battent ici pour la protection de leur forêt, et qui voient les choses se dégrader de façon inéluctable, du fait de l'offre et de la demande.
Alors venez à Sumatra ! Venez à Bukit Lawang ! Venez donner vos sous aux population locales afin de leurs éviter le choix de l'huile de palme, renseignez-vous sur les produits contenant de l'huile de palme (Nutella, Doritos, Heinz, Pepsico, Burger King, Quaker sont des énormes consommateurs pour ne citer qu'eux). En gros, évitez les produits transformés et cuisinez ! Ne serait-ce que pour nos enfants aient la chance de voir ce que j'ai vu.
Si vous voulez y aller, il y'a des vols pour Medan depuis l'Australie, la Malaisie, Singapour et la Thaïlande, n'hésitez pas à passer par les organisateurs de mon Trek. Sumatra Jungle Life, des locaux vraiment engagés et passionnés. https://sumatrajunglelife.com/
Et jetez aussi un coup d'œil au reportage de Léonardo Di Caprio "Avant le déluge", où une partie est consacré à l'exploitation de l'huile de palme à Sumatra et de la corruption du gouvernement indonésien, à partir de 46 minutes.
Et pour rentrer dans les détails de cette énorme industrie, je vous invite à aller jeter un oeil sur cet article très intéressant.
http://www.alterasia.org/201310054053/le-business-de-lhuile-de-palme-en-indonesie/
Pour ceux qui ont eu le courage de me lire jusque-là, merci !
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